Judo. L'espoir français + 100 kg Teddy Riner déploie un style
explosif, visible dimanche au Tournoi de Paris.
Teddy, tatami au top
Par Benoit BAUME
QUOTIDIEN : samedi 10 février 2007
Qu'y a-t-il de si impressionnant chez Teddy Riner, grand espoir du
judo français dans la catégorie lourd (+ 100 kg) ? Ses mensurations :
2,02 m pour 122 kg à seulement 17 ans ? L'incroyable confiance qu'il
affiche ? Le destin d'exception qui lui est prédit ? Une chose est
sûre, les spectateurs qui viendront dimanche au tournoi de Paris,
plus grand tournoi de judo au monde, sont excités à l'idée d'assister
à sa première participation. Né en Guadeloupe, Teddy Riner n'en a que
peu de souvenirs, pour s'être envolé, bébé, vers la métropole, avec
toute sa famille : papa, maman, trois aînés (un frère, deux soeurs).
«Nous habitons à la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement de Paris.
Je mène une vie sans problème. Comme j'adore bouger, très tôt, mes
parents ont dû trouver des activités pour canaliser ma force. A 5
ans, ils m'ont pris un forfait à l'Aquaboulevard : tennis, jazz, golf
et judo. Ma mère faisait son fitness, moi, je rentrais KO et j'allais
direct au dodo.»
Maturité. Quand le PSG prend en main la section judo de
l'Aquaboulevard, le phénomène est vite repéré. A 17 ans, le voici
champion d'Europe et du monde junior. Mais chez les «grands», son
judo explosif ne marche pas mal non plus. Il vient de terminer
deuxième du championnat de France senior. Champion, judo, lourd : le
rapprochement avec «l'ami de tous les Français», David Douillet, est
inévitable. Pas pour Teddy Riner, habitué à répondre à une question
mille fois posée. «Ce qu'il a fait reste extraordinaire, dit-il,
attentif à rendre hommage à son aîné, mais je ne suis pas David
Douillet. J'ai mon propre chemin à tracer.» Encore trop jeune ? Il ne
le pense pas. «L'âge n'est plus une excuse. Je n'ai pas de temps à
perdre et je suis prêt à aller chercher tous les titres que je
pourrai.» Récemment, il a battu rapidement un junior japonais réputé
rugueux. «Je n'ai pas eu le temps de vérifier s'il était si fort que
ça», rigole-t-il, espiègle.
Lors des stages internationaux, les meilleurs seniors de la catégorie
l'invitent à combattre, afin de le jauger. Muneta, Suzuki, Mikhaylin,
tous champions du Monde, ont voulu le tester. A l'Insep depuis deux
ans, Teddy grille les statistiques, bouleverse les théories, déborde
du cadre. La catégorie + 100 kg est considérée comme nécessitant de
la maturité, et, de fait, peu d'athlètes de moins de 25 ans arrivent
à s'y imposer. Teddy Riner, lui, n'a pas encore l'âge légal de
franchir la porte d'un night-club, qu'il pourrait déjà retourner la
plupart des videurs qui en gardent l'entrée.
A voir sa carrure, on oublie un instant que le jeune homme poli passe
un bac pro de management des réseaux informatiques, qu'il adore
pratiquer le jet-ski dès qu'il a un instant de loisir, et que son mot
préféré du moment est «cool». Le garçon aura 18 ans début avril
etcompte bien voter dès le 22 pour le premier tour de la
présidentielle. «Bayrou, il me fait rire, il a la patate, il rigole
tout le temps. Mais Ségolène, elle ferait du bien à la France.
J'hésite entre les deux.»
Esprit. Il y a quelque chose de Cassius Clay, aussi, chez Teddy
Riner. Grand, athlétique, sûr de sa force et n'hésitant pas à
provoquer avec esprit. «Par rapport à ses adversaires, très physiques
et statiques, Teddy se déplace beaucoup. Souvent, je lui répète :
"Vole comme le papillon pique comme l'abeille". Cela lui correspond
bien», explique Serge Dyot, son coach au Paris Judo. Dimanche, Kosei
Inoue, triple champion du monde et champion olympique, revient à la
compétition, après plusieurs années d'absence, en passant des - 100
kg au + 100 kg. Un come-back très attendu tant ce combattant
possède un judo magique. «Je serai content de renvoyer Inoue dans sa
catégorie», commente pourtant Teddy, pas mécontent de l'effet
produit. Présomptueux ? Sûrement, tant il lui reste à prouver. Cette
conviction intime qui l'habite et l'élan de sympathie qu'il arrive à
générer ne laissent que peu de doute. Teddy «Cassius» Riner sera un
grand champion. Il ne reste plus qu'à savoir quand. Dès dimanche peut-
être...
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